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Démarche artistique
Pour négocier la dynamique lieu/espace/temps qui émerge de mon oeuvre, j'ai adopté, au fil des ans, la technique de l'underpainting. Traditionnellement, l'underpainting fait référence à la planification initiale d'une image qui est ensuite utilisée comme un échelon pour conférer une vision claire du sens général de la peinture qui s'ensuivra. Dans mon travail cependant, l'underpainting agit tel un outil métaphorique qui non seulement expose des éléments qui seraient autrement inexplorés, mais me permet aussi de concevoir des façons de relier des entités qui sont étrangères les unes aux autres. L'image finale ne se solidifie jamais dans une précision absolue, mais persiste plutôt en couches mouvantes qui dialoguent les unes avec les autres. Traduction libre du terme underpainting, "sous la peinture" vient ici accroître en langue française les usages métaphoriques de cet outil.
Mon travail, qui émerge de circonstances immédiates, est aussi influé par mon passé. Je suis née en Afrique du Sud, et c'est d'abord là puis au Brésil que j'ai été élevée. Après avoir vécu en Angleterre, j'ai passé les dernières années à Montréal. Mes peintures ne naissent pas d'une transcription directe de cette expérience, mais plutôt de la recherche de points de référence entre ces lieux qui, complexes et distincts, sont liés par la mémoire et continuellement transformés. Aussi, mes peintures explorent les dislocations géographiques et spatiales qui émergent des visions déchirées de nos appropriations territoriales. Telle une preuve documentaire d'un événement inconnu, chaque tableau crée un monde dans lequel le conflit entre les mémoires personnelles de lieux s'oppose tant à leurs réalités présentes qu'à la réalité dans laquelle je vis aujourd'hui.
Les collisions et convergences de diverses façons d'imager la réalité révèlent différentes manières de voir et de représenter les lieux. Ces diverses visions ne s'harmonisent jamais complètement, elles se disputent toujours. Cette dispute est parfois territoriale, mais elle est parfois aussi celle de nos propres mémoires - qui sont elles-mêmes territoriales. Il peut même y avoir une dispute entre ce qui est réel et ce qui est seulement mnémonique, comme si les territoires et les lieux de mémoires persistaient, et cherchaient dans la durée une certaine priorité (bien que toujours transitoire) sur la simple réalité des configurations spatiales d'un moment donné. |
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